Extraits
23 : 51. Markine serra une lampe frontale autour de sa tête, enfila ses chaussures, et poussa délicatement la fenêtre déjà entrouverte.
Il faisait lourd, même à cette heure-ci. Elle attrapa la branche et s’approcha du tronc qui s’était illuminé, mais au lieu de plaquer ses mains contre la porte, elle enlaça son âme sœur, déposa un baiser sur l’écorce, et descendit les branches une à une avec l’aisance d’une trapéziste.
Elle ne reconnut pas immédiatement Shoshana, qui arrivait comme un ouragan. Elle portait un costume intégral de Wonder Woman : le bustier, la cape, les bottes rouges, la couronne… elle avait même une épée à la main.
— Mais qu’est-ce que tu fais ?! demanda Markine.
— Je n’ai pas trouvé le bouclier, répondit Shoshana. T’as l’air drôle avec ta lampe sur le front.
— C’est moi qui ai l’air drôle ?! répondit Markine. Tu ne vas pas avoir chaud avec tout ça ?
— Non, ça va, répondit Shoshana, qui essuya une goutte de sueur sur son front. On y va ? C’est par où ?
— Par là-bas, indiqua Markine d’un mouvement de la tête en direction de l’ancien zoo.
Afin de faire le moins de bruit possible, les amies se promirent de ne pas parler ; si elles avaient besoin de communiquer, il suffirait de faire des gestes.
Le quartier dormait. Il régnait un tel silence que Markine s’entendait respirer. Shoshana avançait, épée levée, prête à attaquer. Markine lui fit signe de la baisser, mais Shoshana secoua la tête. Elle s’était fixé la mission de protéger sa meilleure amie coûte que coûte.
Les filles décidèrent de traverser le parc. Il aurait été possible de se rendre à l’ancien zoo par la route, mais il suffirait d’être repérées par des adultes ou même par la police, pour que les choses se compliquent. « N’allez jamais dans un parc la nuit », avait dit le père de Markine à ses enfants. « Si quelque chose devait vous y arriver, il n’y aurait personne pour vous aider. » Ces mots ricochèrent dans la tête de Markine.
Cette nuit, l’entrée du parc paraissait mystérieuse ; c’était comme si Markine et Shoshana s’apprêtaient à s’immerger dans la jungle.
Des lampadaires se tenaient droits le long du chemin, à intervalles réguliers, faisant une garde d’honneur aux filles ; sauf qu’ils ne fonctionnaient pas. Heureusement que Markine avait pensé à emporter sa lampe, sinon pas facile de savoir ce qui pourrait se cacher dans l’obscurité…
........
L’homme les suivit du regard, bouche bée, pendant qu’elles disparurent dans la nuit. Il remit son téléphone à l’oreille :
— Allô Sofia ?... Tu es encore là ?... Oui, ça va… c’est simplement que… je viens de me faire attaquer par Wonder Woman, version enfant…
........
À la sortie du parc, il restait à parcourir le dernier tronçon. Markine et Shoshana traversèrent la route déserte, longèrent les façades des bâtiments assoupis et prirent le chemin d’une ruelle ; c’était le passage « interdit » par ses parents, et à l’issue duquel devait logiquement se trouver l’entrée de l’ancien zoo. La ruelle serpentait, on ne voyait pas le bout, mais au moins c’était éclairé. Shoshana emboîta le pas à Markine, l’épée levée, la lame en accordéon. Après quelques minutes de marche, elles débouchèrent sur une petite place avec une fontaine au centre d’un rond-point. En face, une gigantesque façade signalait l’entrée :
CENTRE INTERNATIONAL DE LA RECHERCHE DOUTEUSE
« L’ANCIEN ZOO »
ENTREZ À VOS RISQUES ET PÉRILS
(Extraits du chapitre 14)
© 2021 Nico Daswani